À l’ombre lunaire des mots
Le mot et l’image constituent deux séries radicalement hétérogènes. La langue se révèle insuffisante pour parcourir d’un bout à l’autre la surface de l’image et l’image fantasme de manière obsessive et jouissive sur la complétude du mot. C’est dans ce rivage décalé que la pratique de la peinture se bâtit et où elle fait son travail poétique à l’ombre lunaire des mots. Une ombre nocturne et lunatique projetée par le corps dessin-écrit des mots et qui, inéluctablement, éclipse la prétention solaire de ces dernières. Dans un article publié il y a longtemps, Philippe Sollers nous rappelait que Thot, le dieu égyptien de l’écriture, avait été créé par le dieu soleil Ra pour le remplacer pendant la nuit.
C’est de cette nuit de substitution, dans le noir d’une grotte remplie de dessins inscrits sur le mur et dans l’attente d’un éclair poétique, dont s’agit la série de peintures qu’aujourd’hui je présente ici à Assomption au Museo del Barro.
Alexis Yebra
Buenos Aires, agosto 2019