Texte et image constituent deux séries radicalement hétérogènes. La langue se révèle insuffisante, soit par excès soit par déficit- pour parcourir d’un bout à l’autre la surface de l’image et l’image fantasme de manière obsessive et jouissive sur la complétude du mot.
Cependant, il s’agit, d’après moi, de trouver une manière de lier le texte et l’image d’une façon telle que l’image ne devienne pas le support iconique du texte, ni celui-ci l’épigraphe inerte de celle-là. Un agissement entre un texte et une image dans lequel on ne prive pas l’un de l’autre mais qu’il ne les amalgame pas non plus dans l’inventaire sémiotique et aseptique de ses complémentarités. C’est mon pari. Une tentative orientée à explorer cet espace paradoxal qui réunit les deux séries en les séparant ou qui les sépare en les réunissant, car c’est dans cette proximité décalée entre le texte et l’image où, peut-être, peut advenir un éclair poétique. Ceci est l’horizon sous lequel s’organise cette série que je présente.
« The time is out of joint. O cursèd spite,
That ever I was born to set it right! »
(190, act 1 scene 5) Hamlet
« Je réfléchis encore que, dans le langage d’un dieu, toute parole énoncerait cet enchaînement infini de faits, et non pas d’un mode implicite, mais explicite, et non pas une manière progressive, mais instantanée. Avec le temps, la notion même d’une sentence divine me parut puérile et blasphématoire. Un dieu, pensai-je, ne doit dire qu’un seul mot et qui renferme la plénitude. Aucune parole articulée par lui ne peut être inférieure à l’univers ou moins complète que la somme du temps. Les pauvres mots ambitieux des hommes, tout, monde, univers, sont des ombres, des simulacres de ce vocable qui équivaut à un langage et à tout ce que peut contenir un langage.
» J.L. Borges